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PHOTO SO, PASCAL COUILLAUD

 

(Tareq Yassin, Sylvyane Husin-Lambert, la responsable des Lecteurs de Bagdad, et Hassan Abdelhamid)

Lecteurs de Bagdad. Tareq Yassin et Hassan Abdelhamid viennent d'arriver à La Rochelle. Ils évoquent le changement de régime de la vie quotidienne en Irak

Un Irak en reconstruction

Tareq Yassin, après deux ans de collaboration avec l'association Les Lecteurs de Bagdad, vient tout juste d'arriver en France pour faire un point avec les responsables rochelais de l'association sur les besoins d'aides dans les écoles en Irak. Un voyage qui coïncide avec la résidence au Centre Intermondes du journaliste et critique d'art Hassan Abdelhamid.

Le premier n'est pas venu en France depuis 1990. Le second y met les pieds pour la première fois. Le choc des cultures se fait sentir et ne fait que renforcer l'envie de ses deux Irakiens de reconstruire au plus vite un pays libre.

"Sud-Ouest". Comment le peuple irakiens réagit-il à la tenue du procès de l'ancien dictateur Saddam Hussein ?

Hassan Abdelhamid. Il aurait dû se dérouler il y a longtemps. Ce procès est nécessaire pour rendre justice au peuple irakien victime de cet homme. Le dossier le concernant pèse 63 tonnes, c'est dire s'il a fait du mal. Mais aujourd'hui, les irakiens commencent à vivre et à s'occuper d'autres choses. Pour nous, Saddam est fini depuis longtemps.

Parler de lui, comme le font les médias actuellement, c'est lui donner une importance qu'il ne mérite pas. Il a fait du mal partout autour de lui, même dans sa propre famille. Il m'a volé tous mes rêves d'enfant. Tous les jours, des hommes et des femmes meurent à cause de l'héritage laissé par Saddam Hussein. Le terrorisme s'inspire de la présence de cet homme.

Comment les Irakiens vivent-ils le terrorisme au quotidien ?

Hassan Abdelhamid. Les Irakiens vivent comme s'ils jouaient à la roulette russe. On sait quand on sort mais on sait jamais si on va revenir. Mais le peuple a pris l'habitude. La peur est une nécessité pour survivre. Aujourd'hui, les gens vivent normalement. Les enfants vont à l'école. Les adultes vont travailler. La vie ne s'arrête que lorsqu'il y a un attentat.

Les médias exagèrent la situation en Irak, alors que le pays est en train de se reconstruire. Certaines chaînes arabes diffusent les corps des victimes des attentats. Vous n'avez jamais vu ceux des victimes des attentats de Londres ! C'est une manière d'attiser la violence. Ils provoquent des guerres ethniques en diffusant de tels messages.

Un référendum a eu lieu la semaine dernière pour décider de la nouvelle constitution de l'Irak. Est-ce important pour les Irakiens ?

Tareq Yassin. C'est la deuxième fois que nous votons. A l'époque de l'ancien régime, nous étions certain à 100 % du résultat. Maintenant, nous pouvons choisir quel papier nous voulons mettre dans l'urne. Nous décidons de notre gouvernement. C'est important pour les citoyens. Les Irakiens bravent les dangers et les menaces des troupes terroristes pour aller voter.

C'est un acte politique. La grande majorité des Irakiens veulent reconstruire un état de droit où le citoyen est protégé par les lois. C'est différent de l'époque où Saddam avait des droits sur tous les citoyens. La nourriture était donnée au peuple comme des cadeaux. Aujourd'hui, ce sont les classes les plus pauvres qui sont les plus heureuses, parce qu'elles n'étaient pas considérées comme des citoyens, avant.

Hassan Abdelhamid. Nous pensons surtout à nos enfants, qui sont en train d'apprendre autre chose aujourd'hui. Ils connaissent tous les noms de chars et de bombardiers, mais ne connaissent même pas le nom de certains fruits ou de certains jouets.

Le quotidien des Irakiens a-t-il beaucoup changé depuis la chute du régime de Saddam Hussein ?

Tareq Yassin. Nous pouvons venir librement en France aujourd'hui ! Nous ne sommes pas obligé de demander l'asile politique.

Hassan Abdelhamid. Le niveau économique est beaucoup plus élevé. A l'époque un fonctionnaire gagnait 2 dollars par mois et le régime avait le monopole des produits de première nécessité. Aujourd'hui, ce même fonctionnaire gagne 400 euros. Imaginez la différence !

Nous jouissons aussi d'une liberté extrême. Le régime sentait le danger que pouvait constituer la culture et faisait tout pour la détruire. Posséder une parabole pouvait signifier la peine de mort. Maintenant, nous avons le satellite et Internet. Nous avons aussi une liberté d'expression : à l'époque de Saddam Hussein, il existait quatre journaux et magazines du parti et de l'Etat. C'étaient des journaux de propagande. Aujourd'hui, il y a plus de 120 quotidiens. Et je ne vous parle même pas des magazines.

Anne Le Gal